Le 27 avril dernier, le Centre «Емаус» a présenté le livre «Philippine. La force d’une vie fragile», où Sophie Chevillard-Lutz, maman d’une petite fille polyhandicapée, décrit en détail la vie de sa famille et réfléchit à des questions philosophiques, éthiques et sociales difficiles liées à la fragilité.
«Емаус» espère que ce témoignage aidera les lecteurs à faire un pas de plus vers une réflexion plus profonde sur la place des personnes avec un handicap dans la famille, la société et l’Eglise.
Dès avant sa naissance, les médecins détectent chez Philippine, la fille de Sophie et Damien Lutz, une très grave lésion cérébrale, qui ne lui permettrait pas de vivre. Contrairement à tous les pronostics, Philippine va survivre, restant cependant dans un état de grande dépendance, celui d’un tout-petit entre trois et six mois. La communication avec elle se limite à l’esquisse d’un sourire dans ses moments de bonheur.
Une plongée dans la vie quotidienne de la famille de l’auteure
Avec son récit, Sophie Lutz plonge les lecteurs dans la vie quotidienne de sa famille. « Dans ce livre, je retrouve beaucoup d’émotions et d’inquiétudes identiques à celles que je ressens, raconte, lors de la présentation le 27 avril à l’Université Catholique d’Ukraine, Natalia Radych, mère de deux enfants souffrant d’une amyotrophie spinale infantile sévère, une maladie génétique grave. Ce témoignage sera utile non seulement pour les parents d’enfants avec un handicap, mais aussi pour toutes les personnes qui les entourent. Car l’auteure nous dévoile les peurs, douleurs, pensées dont les parents d’enfants handicapés n’osent souvent pas parler ».
« Ce livre sur Philippine m’a à nouveau convaincu que les parents qui découvrent le handicap de leur enfant, sont prêts à accueillir leur fils ou leur fille, même s’ils ont du mal à accepter leur différence, dit le père Ihor Boyko, docteur en théologie morale et directeur de l’Ecole de Bioéthique de l’Université Catholique d’Ukraine. Eduquer un enfant avec un handicap demande plus de temps et deux fois plus de patience de d’amour. Mais je suis convaincu que le Seigneur ne se trompe pas quand Il permet la conception et la venue au monde de tels enfants. La naissance d’enfants avec un handicap peut donner à la vie des parents un sens nouveau plus profond, comme nous le montre le cas de Sophie».
Liudmyla Annych, maman d’une fille IMC, coordinatrice du programme « Les parents pour les parents » qui soutient les familles d’enfants handicapés, confirme : « Ma fille est précisément la personne qui m’a montré le chemin vers Jésus. Jésus qui n’est déjà plus quelqu’un de lointain mais qui est devenu pour moi un ami. Maintenant dans les moments particulièrement durs, je Lui dis juste : ‘Je ne m’en sors pas. Porte ce poids avec moi’. Je suis très reconnaissante à Sophie qui a pu de manière si vraie et profonde raconter la vérité sur la vie d’un enfant handicapé ».
Former les professionnels qui accompagnent les familles d’enfants handicapés en Ukraine
Tetyana Michchuk, neurologue pour enfants, directrice du service d’intervention précoce dans le centre de réhabilitation « Djerelo », remarque que les spécialistes, qui accompagnent les familles d’enfants handicapés, ont besoin de développer leur humanité mais aussi leurs compétences professionnelles.
«En Ukraine, il y a encore peu de spécialistes qui peuvent aider les parents à choisir de manière professionnelle un fauteuil roulant, trouver le meilleur moyen pour nourrir leur enfant ou des possibilités de jeux avec lui. J’aimerais beaucoup que la présentation de ce livre provoque de nouvelles rencontres et discussions qui favorisent des changements dans la formation des médecins ukrainiens et la médecine en général. J’appelle les parents actifs à initier ces processus pour que la situation en Ukraine rappelle un jour en partie celle que décrit Sophie Lutz», ajoute Tetyana Michchuk.
Une communication authentique face aux enjeux actuels de la transformation du monde
«Le XXIème siècle a commencé avec des guerres hybrides, des grimaces du monde post-vérité et un incroyable bond technologique. Surmonter les enjeux actuels demande, se trouve et s’approfondit dans une communication authentique. Ces derniers mois, cette pensée m’a tourné dans la tête, partage Volodymr Tourtchynovskyi, directeur de l’Institut International d’Ethique et des Problèmes Contemporains de l’Université Catholique d’Ukraine. Le témoignage de Sophie m’a confirmé dans cette intuition qui dans le même temps est devenue moins ambitieuse et plus humble. La petite Philippine, à travers les lèvres de sa maman, m’a révélé le phénomène du langage sans mots, ou, pour dire plus précisément, de l’appréhension du corps comme langue, dont les moyens d’expression sont le toucher, le « becquetage », l’étreinte, la sensation de chaleur, de tremblement, la sérénité, la paix et tout le spectre des sens, car le toucher peut avoir une dizaine d’intonations, d’accents et de sens différents».
Le Centre «Емаус» espère que le livre de Sophie Chevillard-Lutz «Philippine. La force d’une vie fragile» incitera des familles ukrainiennes à écrire leurs témoignages sur la vie de leurs proches avec un handicap.
Retrouvez l’article original paru en ukrainien le 2 mai 2017 sur le site de l’Université Catholique d’Ukraine